— Cévennes Tourisme, bonjour!
— Bonjour, je vous appelle juste pour vous dire que je suis vivante. J’ai vu votre collègue hier en sortant du GR70 et comme mon trajet retour s’annonçait difficile on avait convenu ça.
La nana explose de rire.
— Je transmettrai à Baptiste, merci pour votre appel!
— Merci à vous, bonne journée!
24heures plus tôt:
SMS
“Tu as trouvé une solution pour récupérer ta voiture ?”
“Pas encore, je verrai en arrivant, improvisation.”
Sortie enfin de ma montagne, après 11 jours en nature, je pars en mission pour me rendre à Montélimar où se trouvent ma voiture et les clés de chez moi.
Si j’étais arrivée plus tôt il m’aurait “juste” fallu 3 trains pour m’y rendre, mais il n’y en a plus avant le lendemain.
Aucun covoiturage. Aucun bus non plus.
Ca me semble bien compliqué alors que ma voiture n’est qu’à 100km.
Je n’envisage pas de dormir sur place pour prendre un train le lendemain:
Je ne vais pas faire du bivouac en ville alors que je vois passer des mecs bourrés, je préfère encore les sangliers.
Il n’y a pas de camping ici, juste une aire de camping car, donc no way.
Aller à l’hôtel?
Non, sérieux, je n’ai aucune raison de rester et remettre la galère du trajet au lendemain.
Surtout que la copine qui garde ma voiture et mes clés n’est pas là le lendemain car elle monte jusqu’à Lyon ramener sa sœur à l’aéroport. D’ailleurs ce soir c’est sa last soirée en famille. Et après elle est de mariage dans le sud ouest.
Bref c’est now or never.
Donc now.
Je tente quand même de me renseigner au cas où quelque chose m’aurait échappé, ça me semble tellement gros qu’il n’y ai rien:
Au bar ils ne savent pas.
Je vais à l’office du tourisme. En effet il n’y a rien.
J’en arrive à la conclusion qui commençait à se dessiner dans ma tête: je vais rentrer en stop en comptant sur ma bonne étoile.
Je prends les auto stoppeurs chaque fois quand je peux, c’est mon grand père qui m’a appris ça, et qui par la même occasion essayait de me caser. Je vais espérer que ça me fasse un bon karma aujourd’hui.
Du coup, activation du plan:
Je demande au monsieur de l’office du tourisme un marqueur.
J’attrape 3 feuilles d’enquête de satisfaction “Cévennes tourisme, votre avis nous intéresse” et au dos je marque sur chacune en capitales:
Montélimar
Orange
D6
Je fais attention à la batterie de mon téléphone que je n’ai pas pu recharger, mais j’ai quand même eu le temps de voir que si je rattrape la D6, je me trouve sur un bon axe pour rentrer.
Par contre la D6 c’est pas à côté.
Je demande au gars de l’office si un bus y mène, ou si les policiers à côté ne pourraient pas m’y emmener.
— Oui, en cas d’urgence vous pouvez toujours leur demander et sinon le bus 30 est au départ de la gare routière à 18h18, il faut faire vite!
J’opte pour l’option bus en premier.
Mode Pékin express post GR 70 c’est parti!
Je quitte l’office du tourisme avec mes affichettes.
— Appelez nous demain pour nous dire que tout va bien!
— Ok!
J’avance d’un pas vif en direction de la gare. Je réalise que je n’ai pas d’argent pour payer le bus, je croise les doigts pour tomber sur un distributeur. J’en trouve un.
Je repère le départ.
Je tente de me poser devant avec mon affichette D6 pouce levé en attendant, on sait jamais, mais ça ne prend pas.
Le bus arrive.
Je prends mon ticket. Le conducteur me dit qu’il ne peut pas me rendre la monnaie sur 20, heureusement j’ai un billet de 10.
Je lui explique ma situation:
— En fait je dois rejoindre la D6 je ne sais pas où, à vous de me dire à quel endroit il vaut mieux que je descende pour la suite.
— Ok c’est parti, je sais où.
Il prend la mission au sérieux.
Nous ne sommes que 2 passagers.
L’autre dame présente dans le bus écoute attentivement.
— Vous avez un plan de repli?
— Si on ne me prends pas, je bivouac le long de la D6
— Je repasse dans 2h, si vous êtes toujours là je viens vous chercher.
—Merci
C’est rassurant.
Le chauffeur me dépose à un carrefour avec des commerces. Ca tombe bien, j’ai faim, j’ai soif, je n’ai plus d’eau et je ne sais pas pour combien de temps j’en ai.
Je rentre dans la boulangerie, je prends un sandwich crudités, et tout en expliquant à la boulangère que je vais tenter du stop devant pour pouvoir rentrer chez moi, je lui demande si elle accepterait de me remplir ma grande bouteille d’eau (habitude de la rando, je n’ai même pas pensé à en acheter!)
Elle en sort une de son frigo et me tend la bouteille
— C’est pour moi. Bonne chance pour votre trajet!
Une Cristaline, pourvu que la suite coule de source aussi. Les gens sont vraiment choux.
Je fourre le sandwich et la bouteille dans mon sac à dos et je me dirige sur le bord de route.
J’observe quelques secondes où je me place, pour être visible et que les voitures puissent s’arrêter facilement.
Je me poste, sors mon panneau “Montélimar” et tends le pouce avec un sourire.
Un père de famille au bar juste à côté m’encourage et explique à ses enfants que je fais du stop (pas que je like les voitures).
— Je vous aurais bien pris mais je vais dans l’autre sens! Mais je vous envoie des bonnes ondes, ça va le faire! C’est l’aventure!
— Ce qui serait l’aventure ce serait que je sois prise par un tracteur.
Ah ah ah on rigole.
L’aventure arrive quand même, mais pas en tracteur.
Les voitures passent, regardent mon panneau. Une dame s’arrête. Fausse joie, elle cherche juste sa route.
Quelques minutes après, une autre voiture avec deux types, s’arrête à mon niveau et baisse sa fenêtre.
— On va à Bagnols.
Dans tous les cas ça m’avance, je ne me fais pas prier.
— Ok super je monte!
Je fourre mon sac et mes bâtons sur la banquette arrière, je fais un signe de la main au papa au bar et je monte à bord.
J’entame la discussion avec mes conducteurs. Cheveux longs attachés, bords rasés, barbe courte, lunettes. Ils parlent français mais pas très bien.
Celui sur le siège passager est complètement retourné sur son siège et me fixe. Beaucoup. Longtemps.
Je ne suis pas très à l’aise.
Je continue de parler avec eux. Si ils me trouvent sympa, ils ne me feront pas de mal. Je pose quelques questions puis ils me coupent:
— Tu es en couple?
Improvisation niveau 2 activé.
— Oui
— Il est où ton chéri, pourquoi il est pas avec toi?
— Il est en vacances dans sa famille, il avait moins de vacances que moi, je dois l’appeler quand j’arrive, je le retrouve ensuite.
Je me bluffe moi même de tout ce qui sort.
— Il a quel âge?
— 39 ans
— Ah il va avoir 40 ans cette année ou l’année prochaine?
— L’année prochaine, il vient d’avoir les 39.
— Et vous êtes ensemble depuis quand?
— Bientôt 10ans
Le gars se retourne face à la route.
A mon tour pour les questions:
— Et vous vous êtes originaire d’où, vous avez un petit accent?
Blanc.
J’y mets plus de formes.
Je finis par apprendre qu’ils sont de l’Est mais qu’ils vivent en France depuis un moment.
— Et vous allez faire quoi à Bagnols?
— On va chercher une télé trouvée sur le bon coin.
— Ah oui ça fait loin pour une télé.
— Oui mais c’est une bonne télé. Tu as Netflix?
— Non
— Et Disney?
— Non plus.
— Et Prime?
Je n’ose pas leur dire que je n’ai pas de télé.
— Tu as un couteau sur toi?
— Euh?
— Tu étais à l’aventure dans les bois, tu as un couteau sur toi?
— Non je n’ai pas de couteau sur moi
— Pourquoi tu vas à l’aventure sans couteau?
— Il est resté dans mon sac à main mais j’ai ma carte de crédit si j’ai besoin de découper un gâteau.
— Ah d’accord
Les sujets s’enchainent quand d’un coup, surprise.
— Le gars qui vend la télé est de Montélimar, je peux lui demander s’il peut te ramener ensuite.
Ca c’est une bonne nouvelle! Ma bonne étoile est là. J’envoie quand même un message au copain de randonnée avec qui je suis sortie de la montagne pour l’informer.
SMS
“J’ai réussi à prendre un bus qui m’a posé sur la D6. Une boulangère m’a offert une bouteille d’eau. J’ai fait du stop avec un panneau piqué à l’office du tourisme. 2 bosniaques m’ont pris en stop jusqu’à Bagnols sur Cèze où ils ont rdv pour chercher une télé trouvée sur le bon coin d’un gars qui vient de Montélimar à qui ils vont demander si je peux rentrer avec. Du coup j’attends la négociation de la télé avec eux”
La réponse ne se fait pas attendre.
SMS
“Aie très foireux ton plan, je vais regarder les faits divers demain comme ça je pourrais diriger la police!!”
Je rigole. Et je me détends.
Le début enchaine bien.
Puis c’est moins bien.
Je les vois qui quittent la D6 pour rentrer dans Bagnols.
Je pensais que leur rdv était proche de là puisque l’autre gars vient de la D6 aussi. Ou qu’ils me laisseraient sur le bord de la route, mais non.
— C’est où votre rdv?
— Je ne sais pas, on n’a pas dit.
Je vois la D6 qui s’éloigne et mes possibilités de repartir facilement aussi.
Ils partent assez loin en fait.
— Euh on va où?
— On a soif, on va acheter à boire.
Ils appellent le gars, me disent qu’il arrive dans 30 minutes.
Qu’est ce que je fais? Rejoindre la D6 à pieds et faire du stop ou rester avec eux et miser sur le mec de la télé?
C’est pas comme si mes genoux ne pouvaient plus marcher et que j’avais pris un anti inflammatoire juste avant.
— Ok je reste à côté de la voiture.
Ils disparaissent dans l’Hyper.
Je m’installe sur un rebord du parking et sort mon sandwich.
Ils reviennent avec de l’eau, du Red Bull et m’offre une petite bouteille de Perrier. Hyper gentil.
Ils parlent entre deux. Parfois je ne comprends rien, parfois ils parlent français.
Ils espèrent que la télé n’est pas une télé volée et qu’elle marche.
— C’est peut être pour ça qu’il est en retard, parce qu’il doit faire un détour par l’entrepôt où les télés volées sont stockées.
Sur mon parking, toujours avec mon sandwich, je suis un peu perplexe. Je les écoute en me demandant dans quelle dimension parallèle je me trouve et ce que je vais foutre dans la voiture d’un trafiquant de télé.
— Tu as fait des photos pendant ta rando?
— Oui
— Tu nous montres? Il y avait des cascades?
S’ils me demandent des photos du chéri je m’inquiète de quelles photos je vais leur montrer, ou plutôt la photo de qui (Note à moi même: demander à mes copains de faire des photos avec moi au cas où cette situation se reproduise)
Heureusement la photo de cascade leur suffit et ils cherchent à voir comment on s’y rend en voiture.
30 minutes passent. Ils ont le temps de faire beaucoup de suppositions et d’hypothèses. Je regrette les sangliers de la forêt qui me faisaient flipper la nuit.
A présent, ils discutent qu’ils veulent un rabais. Et même plus pour l’attente.
Je leur dis que je resterai bien à l’écart des négociations et je demande pourquoi ils ne sont pas allés chez le gars voir si la télé marche.
— Parce que c’est trop loin
— Oui mais la télé coûte 600€, si elle ne marche pas c’est embêtant.
— Oui mais Montélimar c’est loin, c’est plus de 50 km.
30 minutes après le gars de la télé n’est toujours pas là.
Ils le rappellent.
-Il dit qu’il arrive dans 20 minutes.
Je vois le temps qui passe, le plan foireux qui se profile, et mes chances de faire du stop avec des voitures passantes qui s’amenuisent.
— Ca doit être une télé volée c’est pour ça qu’il est en retard il fait des tours en repérage sur le parking pour voir qui est là et si c’est un piège, si on va le dénoncer. C’est fini maintenant j’achète des télé neuves au moins je suis tranquille!
Non mais rendez moi les sangliers!
Ils se font un film et je me retrouve dedans.
Le temps passe, j’ai rangé la fin de mon sandwich.
Ils réalisent que leurs sièges auto ne s’abaissent pas et me disent que la télé fait 1m65 de large.
— Comment vous allez faire?
— Oh on va la mettre comme ci comme ça.
Je rentre dans la voiture, j’écarte les bras et je leur montre ce que fait 1m65.
— Ah oui autant?
Du coup ils ne savent pas s’ils peuvent la prendre.
Ma réflexion est très auto centrée mais si le vendeur de télé est contrarié, j’ai peur de ne pas avoir de place.
— Vous n’avez pas un ami ou un cousin qui a une camionnette ou une grosse voiture avec les sièges qui se baissent pour venir la récupérer?
— Si mais on ne va pas laisser la télé sur le parking comme ça.
— Non en effet, vous restez avec la télé et vous attendez votre cousin.
— Peut être le gars de la télé il va pas venir aussi, parfois ça fait ça le bon coin, il te dis qu’il vient et il ne vient pas…
Ca, ça n’arrangerait pas mes affaires.
20 minutes après, le mec de la tv n’est toujours pas là.
Nouvel appel. Il met le haut parleur
— J’arrive dans 15 minutes
— Nous on attend. Te voiture quelle?
— Quoi?
— Te voiture quelle?
C’est plus fort que moi, j’interviens
— C’est quoi comme voiture?
— Ah! Une Volvo grise.
Ils raccrochent.
— C’est bon, il va venir il a dit une Volvo grise, on cherche une Volvo grise.
Son cousin enchaine.
— Il aurait pu dire une Ferrari grise, ça ne veut rien dire, on peut chercher une Ferrari grise aussi.
—Je vais prendre sa plaque en photo et sa carte d’identité comme ça s’il y a un problème je vais au commissariat
Je ne sens pas leur plan depuis un moment, je leur demande s’ils peuvent me ramener vers la D6 en l’attendant. Ils me disent que le mec va venir, que j’attends.
Je me sens coincée. En moi ça monte encore d’un cran.
— Tu habites toute seule?
— Euh avec mon chéri.
J’ai failli me faire avoir! Celle là, elle a failli pas sortir.
15 minutes après, sms.
— Il arrive dans 10 minutes, tu vois.
Le flippe passe à un niveau supérieur.
Là c’est plan foireux signé, il ne viendra pas.
Je leur demande une fois encore de me ramener à la D6, au rond point où ils ont tourné.
Il me disent d’attendre, qu’il va venir.
On attend sur ce parking depuis 1h30.
Je sens la panique monter. Je ne sais pas qui est le mec qui livre sa télé mais leurs conversations aux deux me font flipper.
En plus factuellement, je suis une femme, seule, en short, il commence à faire nuit et des mecs se promènent avec leurs canettes de bières autours.
La limite est mince, la frontière subtile. Mais pour moi, de prise de risque gérable, je passe à mise en danger, et ça je ne fais pas.
Les larmes sortent d’un coup et je ne fais rien pour les en empêcher. J’ai trop cumulé, je suis épuisée par mon trip, dans une situation que je ne comprends pas et dont je n’arrive pas à sortir.
Les gars sont surpris.
— Pourquoi tu pleures?
D’un coup les deux sont sensibilisés à ma situation qu’ils n’avaient pas compris avant.
Ils réalisent que je flippe.
— T’inquiète on te laissera pas sur le bord de la route si tu n’as rien, je te ramène moi. Il va venir.
Heureusement un ami qui me savait sur le retour et avait suivit l’histoire de loin m’envoie un sms disant que si dans une heure je n’ai pas bougé, qu’il vient me chercher.
Ca me rassure. (On fait des photos ensemble quand je rentre stp?!)
Le gars arrive enfin.
Je n’interviens pas dans leur négo.
Je regarde en scred à travers la vitre, il fait flipper avec sa queue de cheval et ses chaines gansta. Ah non c’est mes conducteurs qui ont enlevé leurs lunettes! Oups.
En vrai ils sont trop gentils, des gros nounours mais dans le contexte, tout cumulé, hé bien ça cumule.
L’autre qui vient d’arriver par contre, a un regard de tueur, et c’est franc, massif, quand il me dit qu’il ne veut pas me ramener.
Une partie de moi est soulagée.
Je demande à mon ami s’il peut venir.
Il me répond qu’il est déjà sur la route.
Soulagement. Je le bénis!
Je reste sur le parking en l’attendant et je vois mes deux conducteurs qui galèrent à essayer de faire rentrer la tv sur leurs sièges arrières. Apparemment ils la prennent.
Le mec aux yeux révolver s’approche, me met en joue et dit:
— Allez viens je te ramène.
Je suis pas hyper sereine mais j’ai besoin de récupérer ma voiture et l’ami ça lui fait une sacrée route pour venir.
Je le regarde. Son regard fait flippe. Franchement, je sais pas où je vais, mais je veux sortir de ce parking.
Je serre la main de mes conducteurs en les remerciant et je monte à bord.
Je préviens mon ami de la situation
SMS
“Je suis désolée de te faire déplacer pour rien”
“T’inquiète je m’arrête à Orange à la Guinguette du coup”
Je suis dans la voiture de l’autre gars. Il démarre un peu vénère, se dirige vers le rond point à contre sens.
Je me paie un bon coup de stress sur ce retour. Tellement que je n’ai pas le temps d’être mélancolique à repenser à ma rando, que c’est triste que ce soit fini blablabla avec un petit air de violon. Là j’ai d’autres trucs à gérer: mon retour, ma sécurité et ma vie.
Je le regarde en coin. Tee shirt blanc moulant, muscles saillants, regard noir.
Le mec est canon, t’as juste l’impression qu’il va te tuer.
Ryan Gosling version Anakin qui passe du côté obscur, Dark Vador dans les yeux.
Il serait détendu, je me serais trop prise pour Emma Stone dans Crazy Stupid
Love et je lui aurais demandé de faire l’ange façon Dirty Dancing.
Mais là j’ai plutôt l’impression qu’il pourrait me mettre un coup de boule, du coup je garde ma casquette bien enfoncée sur ma tête en amortissement.
Mon mode survie est activé.
Mon sac à dos est sur la banquette arrière mais j’ai gardé mes bâtons de randonnée avec moi prête à planter s’il cherche à engager un combat au sabre laser ou une négociation musclée.
Le mec semble assez contrarié et est offensif dans le ton de ses questions:
— Pourquoi tu prends pas le train?
— Y’en a pas avant demain
— Les covoits t’as regardé?
— Y’en a pas non plus
— Ah. Les gars m’ont dit que sinon ils t’auraient ramené, mais avec la télé ils t’auraient mise où? Dans le coffre?!
— Oui j’ai remarqué qu’il n’y avait plus de place.
— Ils m’ont demandé si je pouvais te ramener tout de suite au téléphone mais je ne comprenais rien, je croyais que c’était une de leurs filles à transporter, ça sentait le coup foireux pour pas prendre la télé.
— C’était moi, tu m’as pas entendu à un moment?
— J’ai entendu une voix de femme si. En plus ils posaient des questions bizarres sur la télé.
— Ils croyaient qu’elle ne marchait pas ou qu’elle était volée.
— Je leur ai dit de venir chez moi l’essayer. En plus ils n’arrêtaient pas de m’appeler, je leur disais que je devais rouler doucement pour pas l’abimer, j’ai cru qu’ils allaient se barrer.
— Honnêtement je pensais pas que t’allais venir.
— Je leur ai dit qu’ils se rapprochent vers Pont pour gagner du temps mais ils ne voulaient pas. C’était incompréhensible ce qu’il se passait. En plus ils ont pris ma plaque en photo!
— J’étais avec eux, je vais te raconter ce qui se passait de mon côté.
Je lui raconte les suppositions que les gars faisaient.
Il rigole, se détend.
— T’as pas flippé avec eux?
— Bah si, ils étaient gentils mais un arrêtait pas de me fixer, du coup je leur ai inventé une vie où j’étais mariée.
Il se marre, on rigole.
Je lui pose quelques questions sur lui, on fait la conversation (bah oui parce que s’il me trouve sympa…^^). Il hallucine un peu de mon périple.
— Bon et alors ce truc à faire, c’était vraiment un truc à faire ou tu voulais juste pas me prendre en stop? C’était quoi ton programme?
Il plante ses yeux dans les miens:
— Je l’ai remplacé par toi.
Il en deviendrait presque charmeur.
Finalement Ryanankin devient hyper serviable et me pose juste devant chez mon amie en me proposant son numéro pour être sa Padmé en interim, mais je reste du côté lumineux de la force et j’ai un empire à sauver.
Je prends vite mon sac et claque la portière.
Arrivée chez mon amie, sa famille m’accueille chaleureusement et se marre à écouter mon récit. En fait j’ai eu peur mais mes conducteurs ont tous pris soin de moi.
Ils me proposent de rattraper le repas avec eux.
Je suis crade. Je demande à me laver les mains avant de manger un morceau de pastèque.
L’eau qui s’écoule dans l’évier en céramique est noire. Moi qui n’ai pas trop vu de glace ces derniers jours, je me vois dans le miroir au dessus du lavabo, j’ai de la terre et de la poussière sur le visage.
— Tu peux rester dormir si tu veux, on te fait un espace dans la verrière.
— Ou sinon je fais un bivouac à côté de la piscine et vous coupez bien l’arrosage automatique?
Honnêtement, j’ai hâte de rentrer. De prendre une douche. De mettre des vêtements propres. De retrouver mon lit.
Ce qu’ils comprennent complètement.
Je fais un câlin odorant à mon amie et je reprends la route en finissant mon sandwich.
Chez moi en vue!
La place juste devant est libre. Merci l’univers! Ca y est enfin de retour!
Deux tours de clés. Je vois que l’ami qui proposait de me chercher m’a déposé des petits plats. <3
Je pose mon sac à dos. Je vois que ma tong latérale a disparue.
J’en peux plus. En 4 heures on peut vraiment vivre l’aventure à côté de chez soi.
J’envoie des sms pour rassurer tous ceux qui ont suivit mon histoire.
SMS
“Te fatigue pas trop les yeux sur les petites annonces pour la police, ça y est je suis rentrée mais c’était tellement improbable que je vais écrire un article et je te l’enverrai”
“Il me tarde de voir l’article!”
Je reçois plusieurs sms disant:
-“Bonne nuit dans ton lit”
Oui après 10 nuits sous la tente avec mon matelas gonflable qui s’est percé la dernière, ça va faire du bien.
Je règle juste quelques détails techniques avant:
Une douche pour être enfin propre.
Je réalise en sortant de la douche que dans mon salon, ça pue les pieds. J’attrape l’objet du délit pour ne pas mourir étouffée, mes chaussures de rando vont passer une nuit de plus au grand air.
Malheureusement je réalise que l’odeur ne vient pas que des chaussures mais aussi de mes pieds, elle s’est incrustée!
Je leurs mets de la gaulthérie et du camphre mentholé pour tenter de la camoufler.
Je file enfin dans mon lit, avec mon duvet (faut pas déconner, on se sèvre pas de l’aventure d’un coup)
Et je m’endors comme une bienheureuse avec sur ma to do list du lendemain :
- Appeler l’office du tourisme pour leur dire que je suis en vie.
Ps: Ryanakin m’a retrouvé via google car “j’ai oublié des effets personnels dans sa voiture”. Le mystère de ma tong disparue est résolu.
J’y crois pas d’avoir joué à Cendrillon!
Comme je ne souhaite pas me transformer en citrouille, j’ai courru en racheter une paire à décathlon!
Du coup c’est lâche mais j’abandonne la tong à son destin et je décline poliment le verre et les invitations qui vont avec.
Et si Ryanakin regarde un peu plus mon profil, on va espérer qu’il ait de l’humour s’il tombe sur l’article!
True story
Tu as aimé mon histoire de fou ? Découvre mes livres, j’ai une vie atypique remplie d’histoires comme celle-là !